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Groupes: The Little Rabbits | Discographie | Yeah! | Critiques |
1996
Il était une fois un groupe nantais au pelage délicat, tendance Gainsbarre, yéyés et nouvelle vague, couleur variété rock évoluée. Un jour, ils allèrent à Tucson Arizona, se faire produire par Jim Waters, sorcier de l'underground américain associé à Sonic Youth. Puis ils décidèrent d'ajouter du bruit, du groove, des scratchs et des breakbeats à leur nouvelle sauce urbaine. Résultat : de l'easy rock crade au son sale du grunge et du hip hop les plus traficotés, du yéyé dégueu mangé par Beck et les Stooges, les Beastie Boys et le Velvet Undergound. Un CD de dandy frenchy au jean troué. Sortie le 16 mars. En mettant crasse et audace dans leurs petites habitudes, les Little Rabbits reviennent d'Amérique avec un grand album. Fumier de lapin C'est à en perdre son latin, son anglais et même son français. Au moment où la presse britannique n'en finit plus de vanter le charme "exotique" des Kid Loco, Air ou Superdiscount, au moment où le "rock d'ici" semble enfin devoir exister ailleurs, par et pour lui-même, les Little Rabbits jouent aux adventistes du septième jour, entrent en transe et "parlent en langues", comme ces illuminés du sud des Etats-Unis qui s'adressent à Dieu en se roulant par terre. La faute à Jim Waters, la faute à Gainsbourg. Le second, avec ses chansons d'outre-tombe auxquelles le monde anglo-saxon voue désormais un culte maladif, n'en finit plus de décomplexer les musiciens français. Le premier, gourou ravagé des Jon Spencer Blues Explosion ou Jonathan Fire Eater, est en passe de devenir l'homme providentiel des groupes bretons. Aux Rennais de Married Monk, il avait taillé un son sur mesure, offert un album (The Jim side) dont la pernicieuse mélancolie, empreinte d'un dépouillement monacal, hante encore jusqu'aux esprits les plus forts. Aux Little Rabbits, petits lapins nantais nantis naturellement de grandes oreilles, il ouvre en grand les portes de son antre de Tucson, en même temps qu'il leur fait rencontrer Angie - la vraie, celle de Bowie et des Rolling Stones, en rade cn Arizona-, laquelle assure ici des chœurs vicelards, marqués du sceau du mythe. De toute évidence, ces gens-là causent la même langue, une autre, déconstruite, celle des Little Rabbits. Une langue issue du choc des cultures, qui mêle français et anglais donc, poèmes en prose et vers à rimes, fuzz, scratches et flûte traversière, pop et rock'n'roll, Beck et Bacharach. En l'état actuel de la musique, du martien. Aussi, parce que la critique a horreur du vide et parce que ça fait chic, on appellera ça du noisy-listening. Modèle déposé, Yeah!, le morceau. Un manifeste, une sarabande de références américaines, déclinée à deux voix alternées sur fond de jerk à la Comic strip le tout avec un lourd accent de Nantes. Ou encore cette reprise de Roller girl, une chanson écrite à l'origine par le beau Serge pour Anna Karina, dynamitée ici par un DJ free et par une wah-wah meurtrière. Visiblement déracinés, les Little Rabbits ne savent plus trop où ils habitent, mais pertinemment comment s'y rendre: à la débroussailleuse, voire à la machette, en faisant des zigzags et en semant des mines sur leur passage. Il y a deux ans, en cassant sans remords leur beau jouet - cette pop formatée qui leur valait un succès inespéré -, les Little Rabbits ont introduit une donnée nouvelle dans le petit monde frileux du rock hexagonal : le courage. Aujourd'hui, avec Yeah!, ils constatent que c'est à ce prix-là que se forgent les identités véritables, que se dessinent les grandes trajectoires. Le drame, c'est que pour l'heure, ils sont les seuls à l’avoir compris. Gilles Dupuy Les Inrockuptibles #143, 18/24 mars 1998
Un court exil aux Etats-Unis fait parfois de grandes merveilles. A croire que les Little Rabbits se sont appropriés tout entier ce fameux rêve américain, celui de l'indépendance et de la liberté, s'il existe encore. Décomplexée, et plus détendue que jamais, la musique des rabbits poursuit l'évolution dignement entamée sur Grand Public, grand album pour grande incompréhension. Une belle injustice qui prouve une fois de plus que la valeur d'un album ne se juge pas au nombre de ses ventes. Dont act. Avec un peu moins de guitares et beaucoup plus d'imagination, Yeah! fait du saut a l'élastique entre la déjante de Beck (in the bathroom) et l'ironie preneuse de Philippe Katerine ou la gouaille de Nino Ferrer. Et on découvre avec bonheur une Angie Bowie, à la présente monstrueuse, egérie de toujours, prêter ses accents glamour a quelques titres (le judicieux single, La Piscine, et le morceau titre Yeah!, drolatique à l’envie) pour une partie de plaisir à deux. Charmant et vivifiant. Les cuivres en moins et les platines en plus, la pop devient moins rock mais plus ludique (Picnic Boy, Du blé dans les fouilles). De la mélancolie de December à la parodie de chanson pour crooner gominé (Down here), les Little Rabbits multiplient les registres, brouillent les pistes et prouvent qu'ils ont la stature pour faire mouche à tous les coups. Grand album pour grand public donc. C. Celli L’Indic #39, mars 1998
Sur l'album précédent, les Petits Lapins avaient vu trop grand (public). L'époque étant au profil bas, le groupe nantais affiche aujourd'hui des ambitions plus mesurées et proclame son nouveau slogan: Yeah! Ce qui finalement résume assez bien la tonalité américaine d'un disque français (December). Ne qualifie-t-on d'ailleurs pas les Little Rabbits de "plus américains des groupes d'ici" ? Une réputation que ce quatrième album, toujours produit par Jim Waters - proclamé sans ambages "Phil Spector de I’underground américain" -, ne démentira pas. Tout comme notre amusement devant ce collage musical : entre bricolage faussement artisanal et enfantillage ludique. A en croire la biographie, Yeah! serait "le premier album résolument expérimental des Little Rabbits". C'est surtout une expérimentation mélodique sur le terrain de jeux préféré de Beck (allègrement samplé sur Roller Girl), où ces (chauds) Lapins multiplient les références - divertissantes et musicales - en évitant les chausse-trappes lo-fi. Franck Vergeade Magic! #19, mars/avril 1998
Ah ! La visite du Louvre en deux minutes, pied de nez aux pédants, Anna Karina entourée de Sami Frey et Claude Brasseur dans ce film épatant de Godard, "Bande à part", vous vous souvenez ? "Yeah !" parvient à retranscrire musicalement cette allégresse intelligente. On le pressent dès le premier morceau, dialogue pince-sans-rire sur une Amérique fantasmée, avec Angie Bowie dans le rôle de Jean Seberg, on le constate tout au long de l'album: les Little Rabbits nous convient en quarante-cinq minutes à une visite-éclair de leur musée, où se côtoient Beck, Motown et Gainsbourg. Pity, à cet égard, est représentatif de cette goûteuse galerie: la batterie samplée d'un vieux Supremes ("Love is like an itching in my heart"), refrain à la Pixies, petit blues, voix saturée, puis retour au boum-boum de Diana Ross ; jamais l'impression de collages artificiels, tout est assimilé, assumé. Et comme un morceau sur deux s'avère rigolo, avec un son au diapason (chaud, poisseux, presque aussi bien qu'un vinyle) et des instruments qui sonnent comme tels, on court dans leur sillage, ce d'autant plus que les lapins, avec leur air de modestes apprentis, ont trouvé la bonne distance pour manifester leur amour des Etats-Unis, sans pour autant calquer servilement la musique de leurs héros. "Yeah!" faiit succéder à La piscine ("Ho la la dans la piscine de tes parents / De tes chers parents / Moi j’pissais dedans") in the bathroom, au français l'anglais, au punk le slow ; et les œillères disparaissent, ainsi que les arguments des partisans du "chacun chez soi", le rock américain dans une salle, éloignée de celle qu'occupe le rock francais. A ceux-là, les Little Rabbits adressent le gracieux sourire méprisant d'Anna Karina. Olivier Bickart Prémonition # 29, juin 1998
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